25 octobre 2013

La robe de baptême du prince George


▲Le prince George de Cambridge le jour de son baptême, le 23 octobre 2013 sur Vogue

Le 23 octobre 2013 le petit prince George, troisième dans l'ordre d'accession au trône britannique, a été baptisé dans la chapelle du palais Saint-James à Londres, la plus ancienne chapelle royale d'Angleterre, décorée par Hans Holbein vers 1530 pour son glorieux aïeul Henri VIII. La reine Victoria, son autre illustre aïeule s'y maria en 1840. Ce fut aussi le lieu ou reposa la dépouille mortuaire de sa grand-mère Diana Spencer, princesse de Galles, en 1997.

Comme pour chacun des événements qui touchent la famille royale d'Angleterre, les observateurs détricotent les symboles sous l'angle de la modernité opposée à la continuité – certains disent le conservatisme. Je vous renvoie à l'article de Marc Roche, correspondant du Monde à Londres qui écrit : « Plus ça change, plus c'est la même chose ! », qui fait écho à la célèbre phrase attachée au neveu du prince Salina, Tancredi dans Le Guépard : « Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change »

Je me limiterai à vous parler ici de la robe de baptême, qu'on porte de génération en génération depuis des siècles dans les familles aristocratiques et de la haute bourgeoisie européennes. Ce fut longtemps une occasion de montrer la qualité des dentelles de la famille et la marque des fournisseurs les plus renommés.

▲Le baptême de la princesse royale Victoria, fille aînée de la reine Victoria, en 1841, par Charles Robert Leslie The Royal Collection

▲Le prince Albert-Victor, né le 8 janvier 1864,
dans les bras de sa mère Alexandra, princesse de Galles,
deuxième dans l'ordre de succession au trône à sa naissance,
il ne survivra ni à son père Albert-Édouard (futur Édouard VII), ni à sa grand-mère, la reine Victoria.
Royal Collection Trust

▲à g. : Le baptême du futur Édouard VIII, le 16 juillet 1894
Il est photographié sur les genoux de son arrière-grand mère, la reine Victoria ;
derrière eux, sa mère Mary de Teck et sa grand-mère, Alexandra, fille de Victoria,
à dr. : Le baptême de la future Élisabeth II, le 29 mai 1926
Elle est photographiée avec ses parents, le duc et la duchesse d'York
(le duc d'York accèdera au trône après l'abdication de son frère Édouard VIII en 1936)
sur The Daily Mail

▲Le baptême de Charles, prince de Galles, photographié avec ses parents,
la reine Élisabeth II et le prince Philip, duc d'Édimbourg, le 1er décembre 1948
sur The Daily Mail et Madame Le Figaro

▲Le baptême d'Anne, princesse royale, photographiée avec ses parents,
la reine Élisabeth II et le prince Philip, duc d'Édimbourg, le 21 octobre 1950
sur The Times

▲Le baptême de William, duc de Cambridge, photographié avec ses parents,
Charles et Diana Spencer, duc et duchesse de Galles, le 4 août 1982 sur Vogue

▲Le baptême de Henry (appelé Harry), prince du Royaume-Uni, photographié avec sa mère Diana Spencer, duchesse de Galles, le 21 décembre 1984 sur Vogue

▲à g. : Robe de mariée de la reine Victoria, 1840, Kensington Palace, Londres
à dr. : Réplique de la robe de baptême de la princesse royale Victoria
portée par le prince George le jour de son baptême le 23 octobre 2013
La dentelle produite à Honiton, une ville du Devon, dans le sud-ouest de l'Angleterre,
est une dentelle aux fuseaux, à fils coupés, proche de la dentelle fine des Flandres.
Des dentelliers flamands sont en effet venus s'y installer à partir du XVIe siècle,
la dentelle deviendra l'une des principales activités industrielles de la ville.

Une robe de baptême créée en 1841 pour la fille aînée de la reine Victoria

Depuis plusieurs générations, les bébés de la famille royale britannique portent une robe de baptême ivoire en satin de soie de Spitalfields et dentelle de coton de Honiton. La reine Victoria l'avait commandée en 1841 pour le baptême de sa fille aînée, Victoria, née le 21 novembre 1840. Il vient seulement d'être révélé que cette robe fut réalisée par une Écossaise nommée Janet Sutherland, qui avait reçu le titre de couturière de la reine. Selon une coutume fréquente, la dentelle utilisée est celle du voile de la robe de mariée de la reine.

Depuis 1841, plus de soixante bébés de sang royal ont porté cette robe, dont quatre rois, Édouard VII, George V, Édouard VIII et George VI. La reine actuelle, Élisabeth II, arrière-grand-mère de George, l'a revêtue pour son baptême, comme tous ses enfants et petits-enfants, dont le grand-père et le père de George, Charles et William. L'originale a été portée pour la dernière fois en 2004 par Louise de Wessex, fille du prince Édouard. Trop fragile pour être utilisée plus longtemps, elle a été remplacée par une copie réalisée à la demande de la reine Élisabeth, par Angela Kelly, sa couturière et habilleuse personnelle, qui a l'habitude de s'inspirer des archives de la famille royale.

▲Naissance du duc de Bourgogne à Versailles, le 6 août 1682 (détail)
Almanach royal de l'année 1683, Pierre Lepautre, sculpteur et graveur
sur BnF, Paris, Gallica

▲L'heureuse naissance de Monseigneur le duc de Bretagne,
arrière-petit-fils de Louis le Grand, né à Versailles le 25 juin 1705 (détail)
sur BnF, Paris, Gallica

La robe de baptême ou le triomphe de la tradition

Dans les églises chrétiennes, il est de tradition que l'enfant soit revêtu d'un habit spécial lors de son ondoiement, ou plus tard, à l'occasion de son baptême officiel – l'ondoiement est une cérémonie simplifiée du baptême en cas de risque de décès. L'ensemble traditionnel de baptême se compose d'un manteau recouvrant le maillot, d'un coussin de présentation, et d'un linge qui enveloppe l'enfant. On imite ainsi les princes des XVIIe et XVIIIe siècles, présentés dans les bras de leur nourrice.

L'ensemble de baptême témoigne de la situation sociale de la famille et expose la richesse de ses dentelles, qui se transmettent de génération en génération via la coutume des corbeilles de mariage, comme les bijoux. Le linge qui entoure l'enfant le jour de son baptême peut être d'un luxe extrême. Parfois, il s'agit du voile de mariée de sa mère.

L'ensemble de baptême comprend aussi un linge de tête, appelé chrémeau car il reçoit le chrême, huile consacrée, remplacé ensuite par un béguin, simple bonnet souvent assorti à la chemise. Considéré comme sacré parce qu'il a reçu les huiles saintes, on le conserve précieusement dans les familles. Le béguin est recouvert d'un bonnet, plus luxueux, assorti au manteau.

▲Portrait de Louis-Philippe Joseph, duc de Montpensier, par François Boucher, 1748-1752
La robe de baptême prend sa source dans la robe de cour des princes du XVIIIe siècle.
Le petit duc (futur Philippe Égalité) porte une robe fourreau décolletée à manches,
les entrelacs et les ruchés simulent l'ouverture du manteau de la robe à la française sur le jupon.

▲Modèles de robes de baptême, La Mode illustrée
à g. : 16 mars 1863 ; à dr. : 19 mai 1872
boutique Au Fil du temps sur e-bay

▲Robe de baptême en lin, vers 1896
Victoria and Albert Museum, Londres

Au début du XIXe siècle, l'ensemble de baptême devient une robe. Pour garder l'effet du linge qui enveloppe l'enfant, on la confectionne très longue. La forme de cette robe de baptême, avec la pièce triangulaire du devant du corsage, les manches courtes à dentelles, le grand tablier orné, s'inspire nettement de la robe de cour des petits princes du XVIIIe siècle, avant qu'ils ne portent l'habit et la culotte. Elle évoluera peu et se démocratisera à la fin du XIXe siècle.

Selon l'analyse de l'historien Philippe Ariès, la robe des enfants et le béguin seraient des survivances de l'habit long et de la coiffe aussi bien masculins que féminins du Moyen Âge. Au fur et à mesure qu'évolue le sentiment d'enfance, il s'accompagne de la transformation du vêtement de l'enfant. Parce qu'on s'inspire toujours de l'existant, cette tendance à l'archaïsme aurait subsisté pour différencier le costume des enfants de celui des adultes. La robe de baptême et sa forme stylistique, exemple type de la tradition perpétuée de génération en génération, est peut-être la toute dernière expression de la robe à la française.

▲Le prince George et ses parents le jour du baptême, le 23 octobre 2013 sur Vogue

Est-ce pour maintenir l'équilibre entre tradition et modernité que la duchesse de Cambridge a choisi de porter le jour du baptême de son fils un ensemble de son couturier fétiche Alexander Mc Queen, surnommé de son vivant « l'enfant terrible de la mode britannique », et Jason Bell, « photographe des stars » pour les photos officielles ?



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