25 février 2014

La vêture des Enfants trouvés (5) – les enfants en robe



Cet article est le cinquième d'une série initiée par une rencontre avec MuB, auxiliaire puéricultrice dans une pouponnière, auteure du blog : Pouponniere's Blog [Pour en savoir plus : lire sur Les Petites Mains, La vêture des Enfants trouvés (1)].

▲à g. : La famille heureuse, ou Le retour de baptême, par Louis Le Nain, 1642
à dr. : La charrette ou le retour de fenaison, par Louis Le Nain, 1641
Musée du Louvre, Paris sur Wikimedia Commons

▲Les musiciens enragés (détail), William Hogarth, 1741 sur Wikipédia

Après avoir été emmailloté plus ou moins serré [Lire sur Les Petites Mains, La vêture des Enfants trouvés (4) – la layette], le petit enfant revêt sa première robe, au plus tôt vers huit mois. Il porte parfois en transition, sans doute selon les saisons, les moments de la journée – voire l'humeur de sa mère ou de sa nourrice – à la fois la robe et le demi-maillot.

Les sources sur la vêture des enfants trouvés nous renseignent sur les étapes de l'enfance

Les textes sources, qui décrivent les layettes et vêtures à fournir aux enfants trouvés nous renseignent sur les étapes de l'enfance. Mais quelle que soit l'époque, l'étape de la marche et celle de l'accession à la propreté – plus tardive qu'aujourd'hui – modifient le vêtement.

D'après le texte de 1756, l'enfant reçoit sa première « robe de drap bleu » à la fin de sa première année, avec une paire de bas et un bonnet de laine, une paire de souliers et « une aune et demie de toile neuve » – l'aulne des drapiers vaut plus ou moins un mètre dix. Ce métrage de toile qui sert à confectionner le trousseau de l'enfant augmente au fur et à mesure qu'il grandit, pour atteindre quatre aulnes l'année de ses cinq ans et demi ; il revient vers six ans à l'Hôtel-Dieu pour être placé, c'est la fin de l'enfance.

▲Tableau récapitulatif de la layette et des vêtures des enfants trouvés
Décret impérial du 19 janvier 1811 concernant les Enfants trouvés ou abandonnés et les Orphelins pauvres dans Travaux de la commission des Enfants-Trouvés instituée le 22 août 1849 par arrêté du Ministre de l'Intérieur sur Galllica, BnF, Paris

Dans le tableau de 1811, les vêtures, qui suivent les layettes, sont données aux enfants d'année en année, jusqu'à l'âge de six ans accomplis. La première vêture et le demi-maillot concernent les enfants sevrés, lorsqu'ils sont dans leurs premières années. La seconde vêture et un demi-maillot sont donnés pour les enfants au-dessus de dix-huit mois. Suivent la troisième et quatrième vêture, puis la cinquième et sixième vêture, assez semblables, à renouveler au fur et à mesure que l'enfant use ses vêtements et grandit.

Dans les textes de 1843, la robe – une robe de dessous en laine et fil et une robe de dessus en laine – apparaît avec la première vêture, à délivrer aux enfants de neuf mois à vingt-et-un mois, ainsi que des bas de laine – une paire de souliers figure dans le demi-maillot dont il est précisé qu'il n'est fourni qu'une seule fois entre neuf et trente-six mois, soit avec la première vêture, soit avec la seconde. Les couches et langes disparaissent dans la deuxième vêture à délivrer aux enfants de vingt-et-un mois. Une septième vêture apparaît, à délivrer aux enfants à neuf ans révolus – ce qui laisse à penser que la fin de l'enfance a reculé. La différence garçon-fille se fait à partir de la cinquième vêture, c'est à dire à cinq ans révolus. Jusqu'à cet âge, tous portent la robe.

▲à g. : La femme du peintre et ses enfants (détail), par Hans Holbein le Jeune, 1528-1529
Sa fille Catherine a deux ans ; sur Wikimedia Commons
au centre : Portrait de Helena Fourment et de son fils Frans (détail), par Pierre Paul Rubens, 1635
Frans a deux ans ; The Metropolitan Museum of Art, New York
à dr. : La famille Van Moerkerken (détail), par Gérard Ter Borch, 1653-1654
Philippus a environ deux ans ; The Metropolitan Museum of Art, New York

▲Les Quatre Âges de l'homme : L'Enfance, par Jan Christoffel Jegher, vers 1643-1666
Tous les âges de l'enfance sont représentés :
emmailloté, en robe (garçon ou fille) dans un trotteur, en jaquette, puis en culotte et pourpoint,
l'enfant à la poupée est une fille
Rijksmuseum, Amsterdam

▲Les enfants Habert de Montmor, par Philippe de Champaigne, 1649
Musée des Beaux-Arts, Reims, Galerie magika42000 sur Flickr
Les enfants richement habillés ne sont certes pas représentatifs du vêtement populaire.
Mais la date et l'âge exact des enfants sont connus, gravés sur la colonne en haut à gauche du tableau,
ce qui permet de bien voir les étapes du costume :
À gauche, l'aîné Henri-Louis, dix ans, est vêtu comme un adulte,
son frère Jean-Balthazar, sept ans et six mois porte le même vêtement ;
à droite, les jumeaux Louis et Jean-Paul, quatre ans et neuf mois, portent la jaquette ;
les deux autres garçons, François, vingt-trois mois, à gauche et Jean-Louis, huit mois à droite,
portent la robe et le tablier, comme leur soeur Anne-Louise, trois ans six mois, au centre.

▲Planche XXIV, Tailleur d'habits et tailleur de corps, Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, 1751-1772
Jaquette ou fourreau pour les garçons ; Fausses robes pour les filles
sur Portail Atilf (Analyse et traitement informatique de la langue française) Encyclopédie
« sur quoi l'on peut consulter l'Art du Tailleur, par M. de Garsault, d'où nous avons extrait
tous les détails dans lesquels nous sommes entrés ».

▲à g. : La fête de mariage (détail), par Philibert-Louis Debucourt, 1789 ; Rijksmuseum, Amsterdam
à dr. : Robe enfant, 1780
The Henry Ford Historic Costume Collection sur Pinterest Children's Historical Clothing

▲à g. : Robe de garçonnet, Écosse, vers 1790 sur The Vintage Textile
à dr. : Le marchand de poisson (détail), par Abraham van Strij et Cornelis Dusart, fin XVIIIe siècle,
Rijksmuseum, Amsterdam

À quel âge le petit enfant, garçon ou fille, revêt-il la robe ?

Le sevrage intervient généralement entre deux et trois ans, il marque la fin de ce qu'on appelle au XIXe siècle, la « première enfance ». Après avoir été emmailloté serré intégralement, puis avoir porté le demi-maillot plus souple, le bébé quitte ses langes et revêt sa première robe, au plus tôt vers huit mois, qu'il soit fille ou garçon.

Selon les époques, jusqu'à l'âge de trois ans à six ans, on fait peu de différence entre les deux sexes. Le style de la robe des petits enfants évolue au fil des siècles et du sentiment que l'on se fait de l'enfance. Les changements concernent principalement le garçonnet. De la fin du XVIIe siècle jusque vers 1830, la robe – une sorte de robe chemise – se perpétue pour les garçons qui commencent à marcher ; on la trouve toujours vers 1880 avec la robe « baby » évasée et plus ou moins froncée à l'encolure.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la robe dite « en fourreau », appelée aussi fausse robe pour les filles et jaquette pour les garçons, est une robe longue, au corsage assemblé à la jupe, formant une seule pièce, lacée dans le dos – contrairement à la robe à la française des femmes qui s'ouvre sur un jupon et une pièce d'estomac. Un tablier termine la toilette, à la bavette épinglée sur la poitrine.

▲à g. et au centre : Chemise et corps d'enfant d'environ 18 mois, Danemark, vers 1760
Musée national, Copenhague
à dr. : Jeune enfant jouant avec un chien, par Jean-Baptiste Greuze, 1769
collection particulière sur Larousse

▲Planche XXIII, Tailleur d'habits et tailleur de corps, Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, 1751-1772
Fig. 4 : corps de fille ; fig. 5 : corps de garçon ; fig. 6 : corps de garçon à sa première culotte.
Les petits garçons portent le corps baleiné jusqu'à l'âge de 6-7 ans, l'âge de leur première culotte,
les filles toute leur vie ; sur Portail Atilf (Analyse et traitement informatique de la langue française) Encyclopédie
« sur quoi l'on peut consulter l'Art du Tailleur, par M. de Garsault,
d'où nous avons extrait tous les détails dans lesquels nous sommes entrés ».

▲à g. : Bandes ventrales pour bébés présentées lors de l'exposition La Mécanique des dessous
XVIIIe siècle, sur le blog L'Atelier de Léa
à dr. : Planche II, Lingère, Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, 1751-1772
sur Portail Atilf (Analyse et traitement informatique de la langue française) Encyclopédie

Du « corps » au corset, la contrainte concerne aussi les enfants

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les enfants ne sont pas épargnés du port du corset, le fourreau est porté sur un corps à baleines, lui-même porté sur une chemise. Parfois le corps est intégré à la robe.

Depuis le XVIe siècle, la mode est au corps contraint, modelé, signe de haute distinction sociale. C'est la cour de Charles Quint, en pleine contre-réforme catholique, qui a lancé cette mode « à l'espagnole », rigide et figée, encore accentuée par le port de la fraise. Le corps qui modèle le corps (corporel) signifie la droiture et la fermeté d'âme et de moeurs de celui qui le porte. Cette mode ne concerne a priori que l'aristocratie, mais cet idéal de beauté, repris par toutes les cours européennes, influence l'ensemble de la société. Les bourgeois l'imitent, les milieux populaires des XVIIe et XVIIIe siècles portent une version plus simple, pas ou peu baleinée, du corps.

Entre la croyance que le corps (corporel) de l'enfant, comme celui du bébé, doit être façonné pour se maintenir droit, et ce modèle aristocrate d'une éducation et d'une maîtrise du corps par une contrainte imposée, le corps à baleines porté par le petit enfant prend le relais du maillot serré du bébé, pour soutenir, raffermir et éduquer un corps encore malléable.

Cela explique que les enfants trouvés portent aussi le corps baleiné jusqu'au XVIIIe siècle, puis le corset à partir de 1830, alors que c'est un article qui revient relativement cher à la fabrication. « Il est d'usage d'employer pour les robes, de même que pour les corsets des enfants, du cordillat étroit de Saint-Genis » dit le texte de 1756, le métrage accordé est déterminé par l'âge de l'enfant. Le cordillat est une grosse étoffe de laine à côtes. [Pour en savoir plus sur les tissus, lire sur Les Petites Mains : La vêture des Enfants rouvés (2) – Jusqu'au XVIIIe siècle, des tissus de laine, de chanvre et de lin]

▲Femme et ses cinq enfants, par Antoine Le Nain, 1642
The National Gallery, Londres

▲Robe en fourreau pour enfant
La légende du musée indique « fille ou garçon »  (vu les bandes du dos, je penche plutôt pour une robe de fille).
The Metropolitan Museum of Art, New York
à dr. : La jeune maîtresse d'école, par Jean Baptiste Siméon Chardin, 1736
National Gallery, Londres sur Wikimedia Commons

Robe de fille ou robe de garçon ?

Du XVIe au XVIIIe siècle, l'enfance compte deux classes d'âge entre la naissance et sept ans, établies selon les activités, le jeu, puis l'école. Pendant cette période, le garçon revêt successivement le maillot et la robe – la même que ses sœurs. Dès que possible, il porte le même vêtement que l'adulte, en miniature.

Au XVIIe siècle, en même temps qu'une évolution du sentiment d'enfance, apparaît la jaquette. On placera « les petits à jaquette avec leurs semblables » – c'est-à-dire les garçons – prévoit le règlement d'une école en 1654. Les limites entre les classes d'âge sont floues, la transition douce, il arrive que certains garçons portent la jaquette sur les chausses. Certains garçons peuvent aussi porter un uniforme s'ils sont scolarisés, par exemple chez les frères des écoles chrétiennes ou dans un « petit séminaire ». L'uniforme prendra un caractère militaire à partir du Premier Empire.

▲à g. : Portrait de James Badger, par Joseph Badger, 1760
The Metropolitan Museum of Art, New York
à dr. : Robe de garçon en soie, France, vers 1750
Victoria and Albert Museum, Londres

▲à g. : Les enfants Habert de Montmor (détail), par Philippe de Champaigne, 1649
à dr. : Le premier Dauphin Louis-Joseph-Xavier, né en 1781, habillé en matelot
détail du portrait de Marie-Antoinette, reine de France et ses enfants,
  par Élisabeth Louise Vigée Lebrun, 1789
Château de Versailles et de Trianon, sur Agence photographique de la RMN
À la fin du XVIIIe siècle, la jaquette des petits garçons est remplacée par le costume à la matelot.

▲à g. : Jaquette de garçon, coton brodé soie, Angleterre, entre 1710 et 1750
Museum of Fine Arts, Boston
à dr. : Jaquette de garçon en soie, Angleterre, 1740-1750
emuseum.history. org sur Pinterest

Très bien décrite et analysée par Philippe Ariès, la jaquette ou robe de garçon se présente au XVIIe siècle comme une robe de clerc. Elle est boutonnée devant, les manches sont identiques à celles des pourpoints masculins. Au fur et à mesure que le garçonnet grandit, sa jaquette s'accessoirise de détails masculins comme les cols ou rabats d'homme, les chapeaux à plumes...

À partir de la fin du XVIIIe siècle, la première enfance – jusqu'à deux ou trois ans – et la deuxième enfance – jusqu'à quatre ou cinq ans – appartiennent toujours au temps des femmes. Ses vêtements et ses cheveux longs en témoignent, le petit garçon est rattaché au monde féminin. Il est habillé en robe par commodité hygiénique et ne peut prétendre à porter la culotte et les bas, comme les hommes, que lorsqu'il devient propre et autonome – avec l'intermédiaire entre trois et six ans du pantalon du costume « à la matelot » emprunté au vêtement populaire – ce qui fait de lui le premier « sans culotte ». L'iconographie montre parfois des costumes à la matelot au fessier froncé assez volumineux : est-ce la mode, ou peut-on imaginer qu'on puisse y insérer des linges si l'enfant n'est pas tout à fait propre ? L'acquisition à la propreté est plus tardive qu'aujourd'hui, vers quatre ans.

Mais le fourreau porté par les garçons – qu'on continue parfois de nommer jaquette – a des parements comme l'habit des hommes, alors que le fourreau des filles a des manches volantées semblables à celles de leurs mères. Cette différence est bien sûr plus marquée quand le vêtement est coloré et orné, elle est moins évidente sur le costume bourgeois ou populaire.

▲à g. : L'Atelier du peintre (détail), par Jan Josef Horemans IAncien, vers 1730
sur sur Wikimedia Commons
à dr. : Robe pour enfant en coton imprimé, XVIIIe siècle
Philadelphia Museum of Art, Philadelphia

L'oeil exercé des contemporains – et celui aujourd'hui des historiens spécialisés – sait reconnaître le sexe des enfants à une infinité de détails, de couleurs, d'ornementation des chapeaux, d'accessoires... J'ai déjà raconté sur Les Petites Mains, comment le port d'une cocarde au chapeau révèle que l'enfant en robe représenté est un garçon [Lire sur Les Petites Mains l'article Cocarde].

▲à g. : Robe de garçon, coton imprimé, 1803
Powerhouse Museum Collection, Sydney
à dr. : Portrait de William Scott Elliott of Arkelton, quatre ou cinq ans, par Henry Raeburn, vers 1815-1816
The Metropolitan Museum of Art, New York

▲à g. : Portrait de John Ruskin, trois ans et demi, par John Northcote, 1822
National Portrait Gallery, Londres
à dr. : Robe d'enfant en coton, bordé de dentelle en lin, France, entre 1825 et 1850
Museum of Fine Arts, Boston

▲à g. : Robe de garçon en lin imprimé, Amérique, 1836
Museum of Fine Arts, Boston
à dr. : Portrait de Giulio Vigoni enfant, par Francesco Hayez, 1830
collection privée sur Wikimedia Commons

▲à g. : Robe de Frédéric Mistral enfant, satin de soie rayé de velours, vers 1830
La robe a été réalisée à partir de vingt-deux morceaux d'étoffe cousus à la main ;
la présence d'anciennes boutonnières à divers endroits indique
qu'elle a été faite dans un ancien corsage de femme ;
il pourrait s'agir de la « robe de fête » de Frédéric. Museon Arlaten, Arles
à dr. : Portrait de Louis Robert (né en 1841), par Jean-Baptiste Corot, 1843-1844
Musée du Louvre, Paris sur Agence photographique de la RMN

▲à g. : Robe de garçon en laine et coton, 1838-1839
The Connecticut Historical Society eMuseum
à dr. : Portrait de A. Bes fils, enfant dit L'Enfant à la chèvre, par Octave Tassaert, 1841
Musée du Louvre, Paris sur Agence photographique de la RMN

▲à g. : Robe de garçonnet, Le Petit Courrier des Dames, 1841 sur Wikimedia Commons
à dr. : Ensemble de garçonnet en laine et soie, Amérique, 1850-1855
The Metropolitan Museum of Art, New York

▲à g. : Robe de garçon en laine et coton, vers 1850
The Connecticut Historical Society eMuseum
à dr. : Portrait de garçon, daguérréotype, milieu XIXe siècle
sur The Vintage Kids Pool Beverly - Flickr

▲à g. : Portrait de garçon, daguérréotype, milieu XIXe siécle
sur The Vintage Kids Pool Caroline - Flickr
à dr. : Robe de garçon en laine et coton, entre 1850 et 1855
The Connecticut Historical Society eMuseum

▲à g. : Jeune garçon lisant à l'extérieur, photographie Jean-Baptiste Frénet, vers 1855
Musée d'Orsay, Paris sur Agence photographique de la RMN
à dr. : Robe de garçon à carreaux, laine et coton, 1865
The Connecticut Historical Society eMuseum

▲à g. : Robe de petit garçon en coton, Angleterre, vers 1860
Los Angeles County Museum - LACMA, Los Angeles
à dr. : Toilette de petit garçon, Journal des Demoiselles (détail), mars 1863
sur le site de Guy Rivière qui met à disposition de nombreuses planches du
Journal des Demoiselles et Petit Courrier des Dames réunis

▲à g. : Robe de garçon en flanelle de laine, Angleterre, vers 1860
Powerhouse Museum Collection, Sydney
à dr. : Toilette pour un petit garçon de cinq ans, planche du Journal des Demoiselles (détail)
juin 1864, sur le site de Guy Rivière

▲à g. : Robe de garçon en laine ornée d'une soutache, 1860-1868
Wisconsin Historical Museum, Madison
à dr. : Planche du Journal des Demoiselles, 1860
Les deux silhouettes de gauche sont des petits garçons de quatre et six ans.
sur le site de Guy Rivière

▲à g. : Portrait de garçon, vers 1860
sur The Vintage Kids Pool Gormer - Flickr
à dr. : Costume de garçon, laine, coton et soie, Amérique, 1860
The Metropolitan Museum of Art, New York

▲à g. : Toilette de « baby » de deux à trois ans, planche du Journal des Demoiselles (détail), décembre 1870
à dr. : Robe de garçon en coton brodé laine, vers 1870
The Connecticut Historical Society eMuseum

▲à g. : Victor Hugo et ses petits-enfants, photographie Arsène Garnier, 1872
Georges, né en août 1868, et Jeanne, née en septembre 1869, ont respectivement quatre et trois ans.
Ils portent une robe très semblable.
Musée Victor Hugo, Villequier sur Wikimedia Commons
à dr. : Robe de garçon en laine, fin XIXe, début XXe siècle
Powerhouse Museum Collection, Sydney

▲à g. : Costume de petit garçon, planche du Journal des demoiselles (détail), 1878
au centre : à dr. : Portrait de garçon en robe, fin XIXe siècle
sur The Vintage Kids Pool Beverly – Flickr
Costume de petit garçon, planche du Journal des demoiselles (détail), 1880
sur le site de Guy Rivière
Il est intéressant de voir comment les modèles présentés dans les magazines de modes
sont transposés et portés de manière généralement plus simple dans la vie réelle.

▲à g. : « Blouses d'été » en coton rayé pour garçonnets, vers 1910
Palais Galliéra, musée de la Mode de la ville de Paris
à dr. : Garçonnet en robe marin et chapeau de paille, vers 1900
sur The Vintage Kids Pool Flickr

▲à g. : Robe pour enfant de un à deux ans, La Mode illustrée, janvier 1899
boutique eBay Au Fil du temps
à dr. : Robe de garçon en coton, brodée à la machine, 1908-1909
La « robe baby » est portée par les petits garçons de un à trois ans jusqu'à la Première Guerre mondiale.
The Connecticut Historical Society eMuseum

Au XIXe siècle, la robe des garçons, à plis, plus ou moins longue, est plutôt faite d'une pièce. Le décor est généralement plus sobre que la robe des filles. Vers le milieu du siècle, elle est plus fermée à l'encolure ; on cherche dans les tenues dites « exotiques » des détails pour l'agrémenter, comme le col et le boutonnage « à la grecque », « à la russe », « à la bretonne »... On apprécie particulièrement les ensembles écossais, mis à la mode par les enfants de la reine Victoria, qui permettent le port du kilt, considéré comme une variante de la robe. Vers 1880, la ceinture des robes de garçon est basse. On nomme « robe baby » la robe qui habille garçon et fille jusqu'à deux ans. Mais la différence entre la robe de fille et la robe de garçon n'est pas toujours évidente pour les historiens, s'ils ne disposent d'aucun témoignage sur l'enfant qui l'a portée.

▲Portrait de la famille De Fries, atelier Ede Schmidt, Budapest, 5 novembre 1905
Toute la famille, qui vient de perdre un bébé de un an, porte le deuil ;
Difficile de reconnaître les garçons des filles !
sur The Vintage Kids Pool elinor04 - Flickr

L'âge de la fin de l'enfance recule pendant tout le XIXe siècle

Contrairement à la petite fille qui garde toute sa vie sa robe, le garçonnet l'abandonne pour l'habit masculin, culotte ou pantalon vers cinq, six ou sept ans ; il entre alors dans le monde des adultes, ce qui est considéré comme un véritable rite de passage. [Lire sur Les Petites Mains, La culotte des garçons]. L'enfant des milieux populaires, mis en apprentissage très jeune, travaille dès que possible et intègre au plus vite le monde des adultes.

Au XIXe siècle apparaît la notion de « seconde enfance », entre deux et sept ans. Déjà, vers 1780, une première étape de transformation du vestiaire de l'enfant – l'apparition du costume à la matelot qui remplace la jaquette – témoigne d'une nouvelle approche de l'enfant. Le garçonnet porte toujours la robe, mais moins longtemps.

▲Frères et sœurs en costumes marins, 1908, Norsk Folkemuseum, Oslo

Puis le costume marin, premier vêtement créé spécifiquement pour l'enfant, se développe dans les années 1845-1850, solution intermédiaire entre la robe du petit enfant et l'habit masculin. Une véritable « mode enfantine » ne peut apparaître qu'à partir du moment où l'enfant est reconnu comme un individu.

On note que les évolutions vers la jaquette et le costume « à la matelot » ne concernent que le vestiaire des garçons. La séparation enfant-adulte n'a pas lieu dans le vestiaire de la petite fille qui grandit maintenue dans sa robe, symbole de sa dépendance. Une véritable mode pour les fillettes n'apparaît qu'à la toute fin du XIXe siècle.

Dans l'entre-deux-guerres, la culotte courte prendra le relais de la robe des petits garçons pour marquer la seconde enfance. Les robes de garçons disparaissent quand les maisons de confection adoptent la normalisation des tailles, d'abord pour les adultes, puis par extension pour les enfants. Dans les grands magasins du XIXe siècle, on établit la taille maximum pour les garçons à dix-huit ans, seize ans pour les filles. Cette habitude commerciale dure jusqu'en 1950. Aujourd'hui les modèles enfants vont en général jusqu'à la taille seize ans.

Ainsi au fur et à mesure qu'évolue le sentiment d'enfance, le vêtement rend visibles les étapes de l'enfance – surtout chez les garçons. Les documents concernant le trousseau et l'habillement des enfants trouvés sont des sources précieuses pour comprendre le vêtement populaire des enfants et les différentes étapes de l'enfance.

Lire aussi sur Les Petites Mains : Mode enfantine et luxe (5) - Le petit enfant en robe. À l'opposé de celui-ci qui s'attache au vêtement populaire, l'article aborde le même sujet, vu du point de vue des luxueuses tenues des enfants de l'élite sociale, aristocratie et haute bourgeoisie, prescriptrice des modes.

(à suivre : La vêture des Enfants trouvés (6) - Récapitulatif et sources)


6 commentaires:

  1. Je viens via le texte de la Vielle Marmotte. Vous avez réalisé beaucoup de recherches pour cet article passionnant, à travers les sites généalogiques, la peinture et les documents d'époque. Beau travail, bravo!

    RépondreSupprimer
  2. très bel article... merci à Françoise Isabel de nous avoir conduis ici

    RépondreSupprimer
  3. Recherches documentaires pour habiller des enfants pour un tournage 1870.... un grand merci pour cette belle documentation.
    Catherine

    RépondreSupprimer